UNE ARCHITECTURE QUI N’A PAS PEUR DE S’AFFIRMER
Céline Coubray
Le paysage luxembourgeois s’est doté ces dernières années de plusieurs réalisations exemplaires. Dans chaque région, il est possible de découvrir des projets remarquables, qui osent s’affirmer par un vocabulaire contemporain, posant ainsi les nouveaux jalons de notre paysage bâti. Petit aperçu des projets considérés comme les plus notables pour chaque trajet.
Dialogue entre ancien et nouveau
Un des enjeux de notre architecture contemporaine est d’entrer en dialogue avec le patrimoine existant. Ce défi est relevé dans le projet du Musée national d’histoire et d’art avec d’une part la construction du bâtiment principal (Christian Bauer et Associés), une architecture contemporaine qui se déploie dans la vieille ville, et d’autre part la rénovation, complexe, de l’aile Wiltheim (1) (Architecture et Environnement), un ensemble de trois maisons patriciennes datant du XVIe au XIXe siècle. Un autre volet important du patrimoine au Luxembourg est le patrimoine industriel. Le site du CNA (2) à Dudelange est un bel exemple de transformation d’un ancien site sidérurgique. Alors que Paul Bretz a conçu un bâtiment fort, fonctionnant comme un solitaire à l’architecture parfaitement maîtrisée et à la rigueur poétique, Claudine Kaell et Jim Clemes ont transformé l’ancien château d’eau en espace d’exposition, créant une expérience architecturale d’une grande subtilité et tout en retenue. Dans un contexte rural, HSA Heisbourg Strotz a réaménagé à Olingen l’ancien moulin et une ancienne étable (3), tout en portant un grand intérêt aux aménagements extérieurs. À Differdange, witry & witry a choisi une autre approche. Lauréats du concours organisé par la commune, les architectes interviennent en créant un décalage fort entre l’ancien Hôtel de Ville (4) réaménagé et son extension dont l’expression architecturale est clairement contemporaine, sans aucune confusion possible. Cette orientation du contraste est aussi au coeur du projet du Domaine Alice Hartmann par Dagli Atelier d’Architecture, aux lignes claires et épurées, jouant d’angularité et d’ombres portées, alors qu’il est situé à côté d’une demeure historique, complétée par des jardins.
L’importance du site
Si tous les projets architecturaux prennent en considération leur site d’implantation, cette donnée est parfois plus affirmée. C’est le cas par exemple de l’immeuble de bureau ONEonONE (5) conçu par Moreno Architecture et Associés. Située à un carrefour, la façade en verre et inox est basée sur le principe de l’empilement de boîtes qui viennent s’entremêler de manière décalée à l’angle des rues. Dans un tout autre contexte, l’ascenseur public (6) du Pfaffenthal conçu par STEINMETZDEMEYER répond précisément à un genius loci. Cet ouvrage d’art se déploie selon un geste architectural assumé dans la vallée protégée par l’Unesco. Il devient un nouvel élément d’identité pour le quartier et procure une expérience sensorielle importante, grâce à la cabine vitrée entièrement hors gaine et au porteà- faux panoramique de la passerelle. En milieu urbain cette fois-ci, l’immeuble Axento (Arlette Schneiders Architectes), au Kirchberg, joue d’une grande géométrie, complété par des lignes aériennes, et prend à bras le corps la question de la relation au boulevard, en s’en détachant pour mieux s’exposer. La relation au site est également importante dans la conception de l’École européenne à Mamer – par petitcarrée architectes, Schilling Architekten, Teisen & Giesler et Nicklas Architectes – qui prête autant d’attention à la conception des espaces intérieurs que des espaces extérieurs. Ce dialogue avec le terrain de construction est aussi au coeur du développement de la résidence Diamant (7) à Dommeldange, conçue par metaform. Dans une rue en courbe, avec une forte déclivité et à proximité d’arbres protégés, six volumes s’articulent les uns dans les autres, épousant parfaitement la parcelle et apportant une plus-value à la rue par le traitement continu de la façade et de la toiture.
Geste continu
Ce geste architectural, d’avoir un même revêtement sur les murs extérieurs et le toit, se retrouve dans plusieurs autres projets. C’est le cas au nouveau centre communal à Eschdorf (Ballinipitt architectes urbanistes), au Biodiversum* à Remerschen (Valentiny HVP Architects), au Daïchhal à Ettelbruck (Besch da Costa Architectes) et à la gare de Belval- Université (Jim Clemes Associates). À chaque fois, et pour des contextes et des programmes très différents, cette caractéristique donne une identité forte au projet, tout en répondant à des approches esthétiques et fonctionnelles variées.
*Ce projet a été récompensé lors du Bauhärepräis OAI 2016 dans la catégorie Bâtiment à vocation éducative/ culturelle/sportive.
CÉLINE COUBRAY
Rédactrice en chef du magazine d’architecture Archiduc, Céline Coubray est également journaliste culture et lifestyle pour l’ensemble des publications de Maison Moderne depuis 2007. Elle a commencé sa carrière dans le domaine de l’art contemporain en France, avant de s’installer à Luxembourg et de se lancer dans une nouvelle aventure, celle du journalisme.
5. ONEonONE, Luxembourg. Ce bâtiment a été récompensé lors des Bauhärepräis OAI 2016 dans la catégorie Bâtiment à vocation administrative, lieu de travail, santé.6. Ascenseur du Pfaffenthal, Luxembourg7. Résidence Diamant, Dommeldange